Dans cette affaire, la société Hambrégie avait obtenu une autorisation d’exploiter ICPE portant sur centrale combiné gaz de production d’électricité, qui avait fait l’objet de plusieurs recours.
Il convient de préciser que cette société était une société dite de projet, recourant à un mode de financement dit sans recours où la dette bancaire permet de financer plus de 70% du projet et où les 30% restants sont apportés en fonds propres.
Ce type de montage et de financement de projet, très usuel dans les projets d’infrastructures faisant l’objet de partenariats public/privé ou dans les projets d’installations d’énergie renouvelable, était plus rare en matière d’ICPE mais tend à se généraliser depuis le classement des éoliennes dans la nomenclature ICPE.
Vraisemblablement, le Juge administratif a fait abstraction de la particularité de ce montage pour adopter une position juridique rendant plus difficile son usage en matière d’ICPE.
En effet, tant le Tribunal administratif de Strasbourg que la Cour administrative d’appel de Nancy avaient fait droit aux recours dirigés contre l’autorisation d’exploiter de la centrale combiné gaz susvisée au motif que la société pétitionnaire n'apportait pas la preuve de ses capacités techniques et financières non seulement d’exploiter ladite centrale et d’assumer ses obligations de remise en état, mais surtout de mener à bien cette centrale, c’est-à-dire de la construire.
De par cette exigence conduisant à exiger des capacités techniques et financières pour construire la centrale, les juges de première instance et d’appel avaient analysé le montage du financement « sans recours » et avaient considéré que les éléments apportés par la société pétitionnaire étaient insuffisants pour justifier de ses capacités dès lors qu’elle ne disposait pas d’engagements fermes de financement et de construction.
Cette position semblait critiquable au regard de l’objet de la législation ICPE tel qu’interprété jusqu’à maintenant par le Conseil d’Etat, dans la mesure où les capacités techniques et financières du pétitionnaire ne semblaient devoir porter que sur l’exploitation de l’installation et son démantèlement, et non sur sa construction.
Dans sa décision commentée, le Conseil d’Etat n’a malheureusement pas suivi cette ligne jurisprudentielle et a confirmé l’analyse des juges de première instance et d’appel en précisant que « le pétitionnaire doit notamment justifier disposer de capacités techniques et financières propres ou fournies par des tiers de manière suffisamment certaine, le mettant à même de mener à bien son projet et d’assumer l’ensemble des exigences susceptibles de découler du fonctionnement, de la cessation éventuelle de l’exploitation et de la remise en état du site ».
Il reproche alors à la société pétitionnaire de ne pas disposer (i) d’engagement ferme et précis de financement et (ii) de projet de contrat de construction et d’exploitation de la centrale suffisamment avancé et engageant, et confirme la censure de l’autorisation d’exploiter sur sa légalité interne.
Cette position du Conseil d’Etat nous semble très sévère et aller à l’encontre de l’esprit de la législation ICPE, dont l’objectif n’est pas de s’assurer si un exploitant réussira à construire son projet, mais s’il réussira à l’exploiter conformément aux prescriptions techniques réglementaires et à le démanteler et remettre en état le site en fin d’exploitation.
Surtout, elle porte une grave atteinte à toutes les installations recourant au financement de projet sans recours, et par là même, fragilise juridiquement toutes les autorisations d’exploiter ICPE de telles installations (telles les éoliennes) non devenues définitives.
Une rapide réaction du pouvoir réglementaire nous semble indispensable pour faire cesser cette situation.