L’autorité environnementale constitue la transposition en droit français des directives européennes « Plans et programmes » et « Projets ».
Dans son arrêt « Seaport », la Cour de Justice de l’Union européenne a considéré, s’agissant alors de la directive 2001/42/CE du 27 juin 2001 relative à l’évaluation des incidences sur l’environnement de certains plans et programmes, que l’obligation de consultation d’une autorité environnementale « n’impose pas qu’une autre autorité de consultation au sens de cette disposition soit créée ou désignée, pour autant que, au sein de l’autorité normalement chargée de procéder à la consultation en matière environnementale et désignée comme telle, une séparation fonctionnelle soit organisée de manière à ce qu’une entité administrative, interne à celle-ci, dispose d’une autonomie réelle, impliquant notamment qu’elle soit pourvue de moyens administratifs et humains qui lui sont propres » (CJUE 20 octobre 2011, Seaport, C-474/10).
Le Conseil d’Etat a tiré les conséquences de cette jurisprudence dans des décisions du 26 juin 2015 et du 3 novembre 2016 en annulant, à la demande de l’association FNE, une partie du dispositif réglementaire français de désignation de l’autorité environnementale (CE 26 juin 2015, Assoc. FNE, n°365876 ; CE 3 novembre 2016, Assoc. FNE, n° 360212).
A la suite de ces annulations, le Gouvernement a adopté le 28 avril 2016 un nouveau décret (décret n°2016-519 portant réforme de l’autorité environnementale) qui a créé les missions régionales d’autorité environnementale (MRAe) du CGEDD. Toutefois, ce décret maintenait le préfet de région comme autorité environnementale pour un certain nombre de projets.
C’est ce que contestait à nouveau l’association FNE.
Dans sa décision du 6 décembre 2017, le Conseil d’Etat valide partiellement le décret attaqué et, en particulier, considère que les MRAe disposent « d’une autonomie réelle » en raison de leur composition, les « membres [étant] nommés en raison de leurs compétences en matière d’environnement et de leur connaissance spécifique des enjeux environnementaux de la région concernée »), et de l’indépendance fonctionnelle du « service régional chargé de l’environnement (appui à la MRAe) » au sein de la DREAL, chargé d’instruire le dossier et de le préparer afin que la MRAe puisse rendre son avis. Le Conseil d’Etat relève également que les MRAe sont « placé[es] sous l’autorité fonctionnelle du président de la mission régionale d’autorité environnementale pour l’exercice de cette mission ». Dans ces conditions, le Conseil d’Etat estime que la MRAe est en mesure de « donner un avis objectif sur les projets, plans et programmes qui lui sont soumis ».
Si la MRAe ne pose pas de difficulté majeure, ce n’est pas le cas du préfet de région visé au IV de l’article R.122-6 du code de l’environnement.
Le Conseil d’Etat estime que cette disposition réglementaire est contraire au principe d’indépendance fonctionnelle dès lors que « ni le décret attaqué, ni aucune autre disposition législative ou réglementaire n’a prévu de dispositif propre à garantir que, […] la compétence consultative en matière environnementale soit exercée par une entité interne disposant d’une autonomie réelle » à l’égard du préfet en tant qu’autorité décisionnelle.
Le Conseil d’Etat annule donc le IV de l’article R.122-6 du code de l’environnement qui désigne le préfet de région comme autorité environnementale.
Les conséquences de cette annulation devront être analysées.
Dans l’immédiat, se pose la question de la poursuite des projets qui étaient soumis à avis du préfet de région en tant qu’autorité environnementale. Il semble que cette annulation va conduire à bloquer les procédures d’instruction des projets qui étaient soumis à l’avis du préfet de région en tant qu’autorité environnementale jusqu’à ce que le gouvernement remplace ces dispositions par un nouveau système assurant l’autonomie fonctionnelle de l’autorité environnementale.
Par ailleurs, cette décision pourrait conduire à des annulations de décisions dans lesquelles l’autorité environnementale et l’autorité décisionnelle étaient le préfet de région (voire le préfet de département si celui-ci était aussi préfet de région).
Pourtant, il convient de rester prudent dans la mesure où, à l’heure actuelle, plusieurs cours administratives d’appel ont estimé que la Direction Régionale d’Environnement, d’Aménagement et du Logement (DREAL), qui rend son avis pour le préfet de région et rattachée à lui, peut exercer, sans méconnaissance des principes dégagés par la Cour de Justice, la mission d’évaluation environnementale dès lors qu’elle dispose de moyens administratifs et humains propres pour exercer cette mission et lui permettant de donner un avis objectif sur le projet concerné (CAA Nantes 20 mars 2017, Société Boralex énergie verte, n°16NT04106, CAA Douai 10 novembre 2016, M. A et autres, n°15DA00141).
Ces décisions devront toutefois être confirmées par le Conseil d’Etat qui n’a pas encore eu l’occasion de se prononcer sur cette question et alors même que certaines juridictions ont des interprétations différentes (TA Orléans 2 novembre 2016, Assoc. Boischaut Marche Environnement et autres, n°1500442 ; TA Amiens 7 novembre 2017, Société Parc Eolien Nordex III, n°1501459 et 1600209).