Paru au JO de ce jour, le décret n° 2018-1082 du 4 décembre 2018 est pris en application de l’article 54 de la loi n° 2018-727 du 10 août 2018, dite « Loi ESSOC », et organise les modalités de l’expérimentation d’un nouveau mécanisme : la demande en appréciation de régularité d’actes non-règlementaires.
Sur une durée de trois ans – soit jusqu’au 6 décembre 2021 -, les tribunaux administratifs de Bordeaux, Montpellier, Montreuil et Nancy auront à connaître de cette action consistant à apprécier, en premier et dernier ressort, la légalité externe de certaines décisions administratives non-réglementaires.
Les actes susceptibles d’en faire l’objet relèvent de trois champs d’application précis et d’une énumération limitative :
- Le code de l’expropriation pour cause d’utilité publique, à savoir les arrêtés d’ouverture de l’enquête publique[1] et de l’enquête parcellaire[2] ainsi que les arrêtés de déclaration d’utilité publique et, le cas échéant, de prorogation[3] ;
- Le code de l’urbanisme, à savoir les arrêtés de création d’une zone d’aménagement concerté[4] ;
- Le code de la santé publique, à savoir les arrêtés de déclaration d’insalubrité[5].
En ce sens, ces actes ont pour trait commun de s’inscrire dans des procédures d’opérations complexes et d’être susceptibles d’une multiplicité de contestations, y compris lorsqu’ils sont devenus définitifs.
En outre, sont exclus les actes pris par décret ainsi que les décisions individuelles.
Les personnes ayant la possibilité d’introduire cette procédure sont tant l’administration auteur de la décision que le bénéficiaire, auxquels peuvent se joindre des tiers ayant intérêt à agir.
Le délai pour agir est de trois mois à compter de la notification ou de la publication de la décision. Afin de rendre opposable la décision du juge, la demande fait également l’objet d’une publicité par l’auteur de l’acte concerné, dans un délai d’un mois à compter de son dépôt ou de sa communication et afin de laisser un délai de deux mois aux tiers pour intervenir.
Les moyens invocables peuvent, à titre de rappel, être tirés de trois illégalités affectant la régularité de la décision : l’incompétence de son auteur, les vices de procédure lors de son élaboration et les vices de forme dans sa présentation. Le juge a la possibilité de se prononcer d’office sur un motif non invoqué, y compris s’il n’est pas d’ordre public, et ce afin d’apurer la décision de toute irrégularité.
Les effets de cette procédure sont également précisés : (i) l’introduction de la demande suspend l’examen de recours au fond dirigés contre la décision en cause, hors référé, et (ii) le constat de la légalité externe prive tout requérant de la possibilité d’invoquer un moyen tiré de cette cause juridique, par voie d’action ou d’exception, à l’encontre de cette décision dans le cadre de recours ultérieurs.
Le délai du traitement de la demande par le juge est fixé à six mois à compter de son dépôt et la décision en appréciation de régularité doit faire l’objet d’une notification et d’une publicité.
Enfin, seul le pourvoi en cassation est ouvert à l’issue de la procédure, dans le délai de droit commun de deux mois, avec les mêmes effets suspensifs que l’introduction de la demande.
En définitive, cette procédure permet de sécuriser les opérations dans le cadre desquelles sont prises les décisions en cause et, dans le cas où la légalité externe est reconnue, elle présente l’avantage d’un « rescrit juridictionnel » opposable dans d’autres contentieux – sans préjuger, pour autant, de la légalité interne de l’acte en cause -.
A l’inverse, les conséquences du constat de l’illégalité externe ne sont pas spécifiquement prévues. Toutefois, lorsqu’une illégalité externe sera constatée par le juge, l’administration n’aura vraisemblablement pas d’autres choix que de prendre les mesures nécessaires pour régulariser cette situation, le cas échéant par le retrait ou l’abrogation de l’acte en cause – étant précisé qu’un tel processus pourra intervenir dans un délai de 2 mois à compter de la notification de la décision du Tribunal, par dérogation à l'article L. 242-1 du code des relations entre le public et l'administration (cf. art. 54 de la loi ESSOC).
[1] Art. R. 112-1 à R. 112-2, code de l’expropriation pour cause d’utilité publique
[2] Art. R. 131-4, code de l’expropriation pour cause d’utilité publique
[3] Art. L. 121-1 et L. 121-5, code de l’expropriation pour cause d’utilité publique
[4] Art. R. 311-1, code de l’urbanisme
[5] Art. L. 1331-25 et L. 1331-28 du code de la santé publique