A titre de rappel, depuis l’arrêt « Tarn-et-Garonne » du Conseil d’Etat du 4 avril 2014 redéfinissant les conditions de recours contre un contrat administratif par des tiers, ces derniers ne peuvent plus exercer de recours pour excès de pouvoir contre les actes détachables du contrat mais peuvent contester directement la validité du contrat ou certaine de ces clauses, à condition de se prévaloir d'un intérêt susceptible d'être lésé de façon suffisamment directe et certaine (CE, ass. 4 avril 2014, n°358994, publié au recueil).
Parmi ces tiers, la situation du contribuable local demeurait donc incertaine.
Sous la jurisprudence antérieure, cette qualité avait pu suffire à lui reconnaitre un intérêt à agir contre la signature d’un bail emphytéotique administratif en raison « des conséquences financières du contrat sur le budget municipal » (cf. CE 10 février 2017, Ville de Paris, n°395433), mais il n’était pas acquis que cet intérêt soit suffisant au regard des nouvelles conditions de recevabilité fixées par le Conseil d’Etat. Le rapporteur public, Bertrand Dacosta, observait d’ailleurs dans ses conclusions sur l’arrêt de 2014 précité que le contribuable local devra justifier d’une « lésion suffisante », afin que tout euro dépensé dans un cadre contractuel ne lui ouvre pas un intérêt à agir.
Dans l’affaire ayant donné lieu à la décision du 27 mars dernier, des contribuables entendaient contester certaines clauses d’un avenant de la concession portant sur le développement et l’exploitation du réseau de distribution et de fourniture d’énergie électrique passée par la CUGN.
Le Conseil d’Etat rappelle que l'auteur du recours qui se prévaut de sa qualité de contribuable local doit établir que la convention ou les clauses dont il conteste la validité sont susceptibles d'emporter des « conséquences significatives sur les finances ou le patrimoine de la collectivité ».
Ainsi, lorsque le contribuable entend contester certaines clauses du contrat, ce n’est pas au regard du montant global du contrat passé par la collectivité que s’apprécie son intérêt à agir, mais des conséquences financières des clauses concernées sur le patrimoine de la collectivité.
En l’occurrence, les contribuables contestaient la validité, d’une part, des clauses relatives à la délimitation du périmètre des ouvrages concédés et, d’autre part, de celles relatives à l'indemnité susceptible d'être versée au concessionnaire en cas de rupture anticipée du contrat.
En appel, la Cour administrative d’appel de Nancy avait exclu l’intérêt à agir des requérants en s’appuyant sur le caractère aléatoire et incertain de la mise en œuvre des clauses attaquées, notamment de la clause d’indemnisation en cas de résiliation anticipée en raison des conditions particulières encadrant l’exécution d’une convention de distribution d’électricité conclue avec ENEDIS qui dispose d’un monopole légal en vertu de l’article L. 111-52 du code de l’énergie.
Le Conseil d’Etat censure deux erreurs de droit commises par la Cour.
Il considère que le caractère éventuel ou incertain de la mise en œuvre des clauses contractuelles ne doit pas être pris en compte lors de l’appréciation de l’intérêt à agir du contribuable local et ajoute que la convention passée avec ENEDIS dans le cadre de l’exercice de son monopole légal n’est pas à l’abri d’une résiliation anticipée, au regard de la tendance économique et juridique d’ouverture à la concurrence dans le secteur de l’énergie.
Ce faisant, l’intérêt à agir du contribuable local fait l’objet d’une appréciation relativement souple dès lors que le requérant se prévalant de cette qualité identifie précisément les clauses du contrat qui pourraient engendrer des frais importants pour la collectivité – et indifféremment du degré de probabilité que ces clauses soient mises en œuvre. La clause d’indemnisation du cocontractant en cas de résiliation anticipée du contrat en est un exemple.