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Illégalité de l’autorisation d’exploiter un parc éolien pilote en Méditerranée

Par un arrêt du 6 octobre 2020, la Cour administrative d’appel de Nantes a jugé illégale l’autorisation environnementale, délivrée au titre de la loi sur l’eau, pour la construction et l’exploitation d’un parc éolien flottant en méditerranée, au large de la commune de Port-Saint-Louis-du-Rhône.

La Cour ouvre cependant à la société titulaire de l’autorisation la possibilité de régulariser les vices relevés et sursoit à statuer sur la demande des deux associations requérantes.

Les vices relevés ne sont pas de simples irrégularités de procédure et ils sont l’occasion pour le juge de rappeler les principes entourant l’appréciation de la légalité d’un projet au regard des dispositifs communautaires et législatifs ayant pour objet la sauvegarde des espèces protégées.

 

La Cour relève en effet trois illégalités ayant trait aux effets potentiels du projet sur la bonne conservation des populations de trois espèces d’oiseaux protégées présentes dans la zone du projet, les puffins yelkouan, les puffins de Scopoli et les sternes caugek.

Les juges ont d’abord commencé par relever une illégalité au sens de l’article L. 414-4 du code de l’environnement. Cet article, qui transpose l’article 6 de la Directive « Habitats » n°92/43, impose en effet la réalisation d’une évaluation des incidences d’un projet, lorsqu’il est susceptible d’affecter de manière significative un site Natura 2000 afin que l’autorité s’assure, avant d’autoriser le projet, de l’absence d’atteinte aux objectifs de conservation du site concerné.

Lorsque l’évaluation conclut à une atteinte aux objectifs de conservation d'un site Natura 2000 et en l'absence de solutions alternatives, le projet en question ne peut être autorisé que si l'autorité compétente donne son accord pour des raisons impératives d'intérêt public majeur.  

La Cour de Justice de l’Union européenne a encadré la mise en œuvre de l’article 6 de la directive « habitats » en l’inscrivant comme composante du principe de précaution. L’autorisation d’un plan ou d’un projet ne peut donc être octroyée « qu’à la condition que les autorités compétentes aient acquis la certitude qu’il est dépourvu d’effets préjudiciables durables pour l’intégrité du site concerné. Il en est ainsi lorsqu’il ne subsiste aucun doute raisonnable d’un point de vue scientifique quant à l’absence de tels effets » (cf. CJUE 11 avril 2013, Sweetman e.a., C‑258/11 ou 17 avril 2018, Commission c. République de Pologne, C‑441/17).

Conformément à cette jurisprudence, la Cour administrative d’appel de Nantes considère, au terme d’une analyse rigoureuse de l’évaluation des incidences Natura 2000 et des différentes études produites pendant l’instruction du projet (cf. points 51 à 63), qu’il subsiste un doute raisonnable d’un point de vue scientifique quant à la possibilité que le parc projeté, ait des effets significatifs dommageables sur la bonne conservation des populations de trois espèces d’oiseaux présents dans les zones Natura 2000 concernées par le projet.

Le préfet ne pouvait en conséquence autoriser le projet, qu’à titre dérogatoire, après avoir vérifié que les conditions visées par le VII de l’article L. 414-4 du code de l’environnement étaient remplies, soit (i) l’absence de solution alternatives, (ii) l’existence de raisons impératives d'intérêt public majeur, et en assortissant cette autorisation de mesures compensatoires pour maintenir la cohérence globale du réseau Natura 2000.

 

La Cour relève deux autres illégalités qui découlent directement de l’appréciation qu’elle a pu porter sur la possibilité que le projet éolien ait des effets significatifs dommageables pour le bon état de conservation des trois espèces d’oiseaux concernées.

 

D’une part, l’autorisation litigieuse méconnait l’article L. 331-14 du code de l’environnement. En effet, dans la mesure où le projet est susceptible d’altérer le milieu marin du cœur du parc national des Calanques et de celui de Port-Cros qui coïncident avec les sites Natura 2000 déjà analysés, le préfet aurait dû recueillir l’avis conforme des instances des parcs nationaux pris après consultation de leurs conseils scientifiques.

 

D’autre part, le projet méconnait l’article L.411-2 du code de l’environnement relatif à la protection des espèces protégées. Les juges ont rappelé à cette occasion que l’autorisation délivrée au titre de la loi sur l’eau, considérée désormais comme une autorisation environnementale, peut être contestée si elle n’intègre pas, à la date à laquelle le juge statue, la dérogation à l’interdiction de destruction d’espèces animales, dite « dérogation espèces protégées » prévue par l’article L. 411-2, requise lorsque le projet est susceptible d’entrainer la destruction d’espèce protégée.

La Cour s’inscrit une fois de plus dans la lignée de la jurisprudence de la Cour de justice (CJCE 30 janvier 2012, Commission c. Grèce dit « Caretta caretta », C-103/00) en précisant que la circonstance que les destructions soient réalisées de façon accidentelle n’exempte pas le porteur du projet de solliciter la dérogation espèce protégée « dès lors qu’elle n’ignore pas la réalité du risque de destruction, par son activité, de spécimens d’une espèce animale protégée présente dans la zone d’implantation du projet ».

En l’occurrence, aucune dérogation espèce protégée n’avait été sollicitée par la société porteuse du projet avant la délivrance de l’autorisation attaquée. Pour obtenir cette dérogation, celle-ci devra, à cette occasion seulement, justifier (i) qu’il n’existe pas d’autre solution satisfaisante, (ii) que la dérogation ne nuit pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations d’espèces protégées et enfin, (iii) que la dérogation est envisagée « dans l'intérêt de la santé et de la sécurité publiques ou pour d'autres raisons impératives d'intérêt public majeur, y compris de nature sociale ou économique, et pour des motifs qui comporteraient des conséquences bénéfiques primordiales pour l'environnement ».

 

Si la Cour a considéré que les vices relevés peuvent être régularisés sur le fondement de l’article L. 181-18, il reste encore à l’Etat d’obtenir l’avis conforme des parcs nationaux concernés, et d’accorder à la société la dérogation au titre du VII de l’article L. 414-4 et la dérogation espèce protégée, en justifiant, pour chacune, que les conditions requises par le code de l’environnement sont remplies, notamment l’existence d’une raison impérative d’intérêt public majeur de nature à justifier la réalisation du parc éolien flottant.

 

Les régularisations ainsi visées devront intervenir dans le délai d’un an à compter de l’arrêt de la Cour, ce qui repoussera encore un peu la réalisation de ce projet pilote de ferme éolienne flottante.

 

Lien vers la décision:  CAA NANTES 6 octobre 2020, Association Nature et citoyenneté, n°19NT02389

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