En l’espèce, une société coopérative de groupements d’achats (le Galec) était poursuivie par le ministre de l’économie pour avoir inséré, au sein de plus de 300 contrats passés avec des fournisseurs, une clause prévoyant le versement de ristournes calculées notamment sur le chiffre d’affaire de l’année en cours.
La Cour d’appel de Paris, avait, par un arrêt du 1er juillet 2015, constaté que ces ristournes ne correspondaient à aucune contrepartie réelle ou justifiée et partant, sur le fondement de l’article L. 442-6, I, 2° du code de commerce relatif au déséquilibre significatif, a annulé ces clauses, ordonné le remboursement des sommes perçues et condamné la société coopérative de groupement d’achat à une amende civile.
Demandeur au pourvoi en cassation, le Galec considérait que toute analyse de la contrepartie devait être exclue depuis que la loi LME du 4 aout 2008 avait introduit le principe de libre négociabilité des tarifs et supprimé l’obligation de justifier d’une contrepartie à la réduction de prix.
Surtout, point fort de son argumentaire, le Galec excluait l’appréciation de l’adéquation du prix à la chose vendue du domaine de contrôle du juge, à l'instar de ce qui est retenu en droit de la consommation, selon une décision du conseil constitutionnel déclarant la conformité à la constitution de l'article L. 442-6, I, 2° du code de commerce(décision n° 2010-85 QPC du 13 janvier 2011).
Malgré ces arguments, la Cour de cassation confirme l’arrêt.
Pour elle et en l'espèce, il convient de raisonner à partir de la convention unique prévue par l’article L. 441-7 du code de commerce pour apprécier l’équilibre contractuel. Dès lors que les parties doivent en son sein faire apparaître les obligations souscrites et conditions de l’opération de vente, il s’en déduit que le législateur « a entendu permettre une comparaison entre le prix arrêté par les parties et le tarif initialement proposé par le fournisseur ».
Dès lors, le principe de libre négociabilité n’étant pas, pour la Cour, sans limite, « l’absence de contrepartie ou de justification aux obligations prises par les cocontractants,[…], peut être sanctionnée au titre de l’article L. 442-6, I, 2° du code de commerce ».
Et la Cour de conclure : « l’article L. 442-6, I, 2° du code de commerce autorise un contrôle judiciaire du prix, dès lors que celui-ci ne résulte pas d’une libre négociation et caractérise un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties », et ce malgré l’argument tiré de l’analogie entre les dispositions du droit commercial et du droit de la consommation, les objectifs poursuivis par le législateurs dans chacun de ces domaines n’étant pas, pour la Cour, les mêmes.
Cet arrêt, remarquable par sa richesse d’enseignements, réserve au droit commercial et au droit de la distribution un espace de liberté pour le juge, à qui il est désormais loisible de contrôler, sous certaines conditions, l’équilibre du prix du contrat.
On se souviendra pourtant du nouvel article 1170 du code civil, prévoyant la sanction du déséquilibre significatif dans tous les contrats d’adhésion (soient-ils conclus entre professionnels et non professionnels), mais dont l’appréciation ne peut porter, à l’instar du droit de la consommation, « ni sur l'objet principal du contrat ni sur l'adéquation du prix à la prestation ».
L’état du droit positif serait alors le suivant : en droit commercial, le déséquilibre significatif peut porter sur le prix, dès lors qu’il n’y a pas eu de libre négociation de celui-ci ; en droit commun, le déséquilibre des contrats d’adhésion ne peut porter sur le prix, alors même qu’il n’y eu aucune négociation sur celui-ci.
La lecture du droit positif devient donc assez complexe, certaines dispositions spécifiques du Code de commerce venant en conflit avec d'autres dispositions légales plus générales ayant aussi vocation à s'appliquer entre professionnels.
Il y a donc une place pour de beaux débats théoriques dont les plaideurs ne manqueront pas de s'emparer.