Le décret opère une modification à la fois du code des marchés publics, mais également des décrets d’application de l’ordonnance n°2005-649 du 6 juin 2005 relative aux marchés passés par certaines personnes publiques ou privées non soumises aux marchés publics.
Le décret comporte trois volets principaux. Le premier concerne l’instauration du partenariat d’innovation, le deuxième vise à faciliter l’accès des petites et moyennes entreprises au droit de la commande publique et le troisième tend à alléger les dossiers de candidature.
L’instauration du partenariat d’innovation
Ce nouveau type de marché public est destiné à favoriser la recherche et le développement et a pour ambition de pallier les lacunes des marchés existants dans ces domaines. L’une des spécificités de ce nouveau contrat est de supprimer la contrainte résultant de l’obligation de procéder à une nouvelle mise en concurrence à l’issue de la phase de recherche et de développement et afin d’acquérir les produits qui en sont issus.
L’article 7 du décret dispose que le partenariat d'innovation a pour objet la recherche et le développement ainsi que l'acquisition de fournitures, services ou travaux innovants qui en sont le résultat.
Il précise que sont ainsi innovants, les fournitures, services ou travaux nouveaux ou sensiblement améliorés qui répondent à un besoin qui ne peut être satisfait par des fournitures, services ou travaux déjà disponibles sur le marché.
Le recours à ce type de marché suppose que le pouvoir adjudicateur ait la certitude que son besoin ne puisse être satisfait sur le marché.
Le texte prévoit la possibilité pour le pouvoir adjudicateur de mettre en place un partenariat avec un ou plusieurs opérateurs économiques qui exécutent les prestations de manière séparée dans le cadre de contrats individuels.
La procédure applicable à la passation d’un partenariat d’innovation est la procédure négociée avec mise en concurrence et publicité. Les spécificités des domaines de la recherche et du développement ont nécessité certains aménagements :
- Les réductions de délais du fait de l’urgence ne sont pas applicables ;
- La sélection des candidatures tient compte de la capacité des candidats dans le domaine de la recherche et du développement ainsi que dans la mise en œuvre de solutions innovantes ;
- Le pouvoir adjudicateur négocie les offres initiales et toutes les offres ultérieures présentées par les candidats sélectionnés, à l'exception des offres finales, en vue d'en améliorer le contenu ;
- La négociation peut porter sur tous les aspects des offres exceptés les exigences minimales et les critères d'attribution ;
- Lorsque la négociation se déroule en phases successives, le pouvoir adjudicateur informe, à l'issue de chaque phase, tous les candidats dont l'offre n'a pas été éliminée des changements apportés aux documents de la consultation ;
- Le pouvoir adjudicateur accorde aux candidats un délai suffisant pour leur permettre de modifier leur offre et, le cas échéant, de la présenter à nouveau ;
- Lorsqu'il estime que les négociations sont arrivées à leur terme, le pouvoir adjudicateur en informe les candidats dont l'offre n'a pas été éliminée et les invite à remettre une offre finale dans un délai suffisant ;
- Les offres finales ne peuvent être négociées. Il est seulement possible de demander aux candidats de préciser ou de compléter la teneur de leur offre. Cependant, ces demandes ne peuvent avoir pour effet de modifier des éléments substantiels de l'offre finale, de fausser la concurrence ou d'entraîner des discriminations.
De même l’exécution du partenariat d’innovation présente certaines spécificités qui découlent de la volonté de la commission européenne et du Parlement européen :
- Le partenariat d’innovation comprend une ou plusieurs phases successives qui suivent le déroulement du processus de recherche et de développement et une ou plusieurs phases d'acquisition des produits, services ou travaux qui en sont le résultat ;
- La structure, la durée et la valeur des différentes phases du partenariat d'innovation tiennent compte du degré d'innovation de la solution proposée, de la durée et du coût des activités de recherche et d'innovation requises pour le développement d'une solution innovante non encore disponible sur le marché. La direction des affaires juridiques du ministère de l’économie est venue préciser que cette règle permettra de s’assurer que le partenariat d’innovation ne sera pas détourné de son objectif en permettant d’échapper aux règles normales d’utilisation des autres procédures ;
- Le partenariat d'innovation définit les objectifs de chaque phase que le partenaire doit atteindre ainsi que la rémunération associée à chaque phase. A l’issue de chaque phase, le pouvoir adjudicateur décide, soit de poursuivre l’exécution du partenariat d'innovation, éventuellement après avoir précisé ou modifié, avec l'accord du partenaire, les objectifs de la phase suivante et les moyens à mettre en œuvre pour les atteindre (les conditions initiales du partenariat d'innovation ne peuvent être substantiellement modifiées à cette occasion), soit de mettre un terme au partenariat d'innovation ou, lorsqu'il existe plusieurs partenaires, de réduire leur nombre en mettant un terme à leurs contrats ;
- Le partenariat doit préciser les conditions de mise en œuvre de ces prérogatives du pouvoir adjudicateur (conséquences financières et modalités de sélection des partenaires avec lesquels il est décidé de poursuivre l’exécution du partenariat) ;
- Le pouvoir adjudicateur ne peut acquérir les fournitures, services ou travaux résultant des phases de recherche et de développement que s’ils correspondent aux niveaux de performance et aux coûts maximum prévus par le partenariat d’innovation ;
- Le partenariat d’innovation prévoit la répartition des droits de propriété intellectuelle ;
- Le pouvoir adjudicateur ne peut révéler ni les solutions proposées ni les informations communiquées par un partenaire sans l'accord de celui-ci.
Le plafonnement des exigences quant à la capacité financière des entreprises
Jusqu’alors, les acheteurs publics pouvaient exiger des entreprises, des niveaux minimum de capacité financière en lien avec l’objet du marché et proportionnés à ce dernier. Ces exigences pouvaient conduire à empêcher certaines petites et moyennes entreprises (PME) de participer à la commande publique.
Le décret tend à pallier cette lacune en instaurant un plafond que les acheteurs publics se doivent de respecter.
Désormais, un chiffre d’affaires minimal peut toujours être exigé mais son montant ne peut être supérieur au double de la valeur estimée du marché ou du lot, sauf justifications liées à l’objet du marché ou à ses conditions d’exécution. Si le pouvoir adjudicateur demande un niveau minimal supérieur à ce plafond il doit le justifier dans les documents de la consultation ou dans le rapport de présentation.
La direction des affaires juridiques du ministère de l’économie et des finances a précisé que ce plafond ne saurait être systématiquement exigé et qu’il revenait à l’acheteur public d’apprécier le niveau de capacité financière qu’il souhaite demander en fonction du marché qu’il souhaite conclure.
Pour les accords-cadres et les marchés à bons de commande, le plafond se calcule sur la base du montant total maximal des marchés passés sur le fondement de l’accord-cadre ou des bons de commande dont l’exécution par un même titulaire pourrait être effectuée simultanément. Si ce montant ne peut être estimé, le plafond se calcule sur la base de la valeur totale estimée des marchés passés sur le fondement de l’accord-cadre ou des bons de commande susceptibles d’être attribués à un même titulaire pendant la durée de validité de l’accord-cadre ou du marché à bons de commande
Pour les systèmes d'acquisition dynamique, ce plafond est calculé sur la base de la valeur totale estimée des marchés spécifiques envisagés pendant la durée totale du système.
L’allègement des dossiers de candidature
Le décret comporte deux mesures notables destinées à alléger les formalités administratives que les entreprises doivent accomplir.
En premier lieu, les candidats ne sont pas tenus de fournir les documents et renseignements que le pouvoir adjudicateur peut obtenir directement par le biais d’un système électronique de mise à disposition d’informations administré par un organisme officiel ou d’un espace de stockage numérique, à la double condition que figurent dans le dossier de candidature toutes les informations nécessaires à la consultation de ce système ou de cet espace et que l’accès à ceux-ci soit gratuit.
La direction des affaires juridiques du ministère de l’économie prend l’exemple du casier judiciaire. Le pouvoir adjudicateur pourra lui même vérifier les interdictions de soumissionner en accédant de manière dématérialisée au casier judiciaire.
En second lieu, le décret permet au pouvoir adjudicateur de prévoir, dans l’avis d’appel public à la concurrence ou dans les documents de consultation, que les candidats ne sont pas tenus de fournir les documents et renseignement qui lui ont déjà été transmis dans le cadre d’une précédente consultation et qui demeurent valables.
Il s’agit de la consécration du principe de la mutualisation des dossiers de présentation. La direction des affaires juridiques du ministère de l’économie souligne à ce titre qu’il s’agit d’une faculté dont dispose le pouvoir adjudicateur et qu’il incombera aux candidats, dans l’hypothèse où elle serait mise en œuvre, de vérifier que les documents déjà transmis sont encore valables.
La prochaine étape de transposition des directives de l’union européenne, devant opérer une refonte complète du droit de la commande publique, devrait intervenir au début de l’année 2015 par une loi habilitant le gouvernement à prendre les mesures de transposition de ces directives. Est également attendu le texte pour la mise en place du document unique de marché public européen (DUME).