Les faits étaient les suivants.
Un syndicat mixte pour l’enlèvement et le traitement des ordures ménagères (« SIETOM »), en l’occurrence le SIETOM de la région de Tournan-en-Brie, a sollicité du préfet une autorisation afin de modifier les modalités d’exploitation de son unité de compostage de déchets ménagers résiduels implantée sur le territoire de la commune d’Ozoir-la-Ferrière.
En parallèle, le SIETOM a déposé une demande de permis de construire au maire de la commune d’Ozoir-la-Ferrière. Cette demande a été refusée par le maire. Le SIETOM n’a pas contesté ce refus qui est devenu dès lors définitif.
Afin semble t-il de régulariser la situation et alors que la demande d’autorisation d’exploiter était toujours en cours d’instruction, le SIETOM a demandé de nouveaux permis de construire qui ont été délivré mais postérieurement à l’arrêté autorisation l’exploitation de l’unité de compostage.
Faisant droit à une demande de la commune d’Ozoir-la-Ferrière, le Tribunal administratif de Melun a annulé l’autorisation sur deux motifs. Le Tribunal a considéré que :
- la demande d’autorisation était irrégulière dans la mesure où elle ne comportait pas le justificatif du dépôt du permis de construire en méconnaissance de l’article R. 512-4 du code de l’environnement, celui-ci ayant été refusé antérieurement à la délivrance de l’autorisation d’exploiter ;
- l’étude d’impact était insuffisante s’agissant des conditions de remise en état du site à l’issue de la période d’exploitation dans la mesure où ces mesures n'avaient pas fait l'objet d'une évaluation financière.
1. Sur la possibilité de régulariser un vice de procédure postérieurement à la délivrance de l’autorisation d’exploiter
Le premier apport de cet arrêt important du Conseil d’Etat concerne la question de la régularisation des vices entachant la procédure d’autorisation d’exploiter une installation classée et, plus particulièrement, l’articulation entre la demande d’autorisation d’exploiter et le permis de construire.
Après avoir rappelé, d’une part, les pouvoirs du juge de plein contentieux des installations classées :
« Considérant, en premier lieu, qu'il appartient au juge du plein contentieux des installations classées pour la protection de l'environnement d'apprécier le respect des règles de procédure régissant la demande d'autorisation au regard des circonstances de fait et de droit en vigueur à la date de délivrance de l'autorisation et celui des règles de fond régissant l'installation au regard des circonstances de fait et de droit en vigueur à la date à laquelle il se prononce ; que les obligations relatives à la composition du dossier de demande d'autorisation d'une installation classée relèvent des règles de procédure »
et, d’autre part, l’obligation pour le juge, avant d’annuler une décision, de vérifier si le vice de procédure a eu pour effet de nuire à l’information du public ou été de nature à exercer une influence sur la décision de l’autorité administrative (jurisprudence « Ocréal » :
« que les inexactitudes, omissions ou insuffisances affectant ce dossier ne sont susceptibles de vicier la procédure et ainsi d'entacher d'irrégularité l'autorisation que si elles ont eu pour effet de nuire à l'information complète de la population ou si elles ont été de nature à exercer une influence sur la décision de l'autorité administrative » (CE 14 octobre 2011, Sté Ocréal, n°323257)
le Conseil d’Etat affirme que :
« eu égard à son office, le juge du plein contentieux des installations classées peut prendre en compte la circonstance, appréciée à la date à laquelle il statue, que de telles irrégularités ont été régularisées, sous réserve qu'elles n'aient pas eu pour effet de nuire à l'information complète de la population ».
En l’espèce, le Conseil d’Etat censure la Cour administrative d’appel de Paris à deux égards :
- d’une part, le Conseil d’Etat considère que la Cour a commis une erreur de droit en annulant l’arrêté d’autorisation d’exploiter alors que « conformément au principe d'indépendance des législations, la circonstance que le permis de construire sollicité a finalement été refusé, retiré ou annulé est par elle-même sans incidence sur la régularité du dossier de demande d'autorisation de l'installation classée comme sur la légalité de cette autorisation » ;
- d’autre part, le Conseil d’Etat considère que la Cour a également commis une erreur de droit en n’examinant pas le moyen subsidiaire tiré de ce que « le vice tenant au défaut de justification du dépôt de la demande de permis de construire avait été, en tout état de cause, régularisé dès lors qu'à la suite du dépôt de nouvelles demandes de permis de construire postérieures à la décision contestée un permis de construire avait été délivré le 27 novembre 2009 ».
Ce faisant, le Conseil d’Etat abandonne sa jurisprudence « Société normande de nettoiement » (CE 31 mars 2008, n°285690) à l’occasion de laquelle le Conseil avait jugé que « Considérant que la cour a constaté, au terme d'une appréciation souveraine des faits, que si la société Environnement Service de Buat avait initialement justifié du dépôt d'une demande de permis de construire à l'appui de sa demande d'autorisation, cette demande, classée sans suite en raison de son caractère incomplet, n'existait plus à la date de la décision attaquée ; qu'elle a pu ainsi, sans entacher son arrêt d'erreur de droit, en déduire que les dispositions de l'article 2 du décret du 21 septembre 1977 avaient été en l'espèce méconnues ».
2. Sur l’évaluation financière des mesures envisagées pour la remise en état du site
Le second apport de cet arrêt concerne la question de savoir si l’étude d’impact doit comporter une évaluation financière des mesures envisagées pour la remise en état du site, mesures dont doit faire état l’étude d’impact du projet sur le fondement de l’article R. 512-8 du code de l’environnement.
Après avoir affirmé que :
« ni les dispositions de l'article R. 512-8 du code de l'environnement ni aucune autre disposition législative ou réglementaire n'imposent que l'étude d'impact fasse apparaître une évaluation financière des mesures envisagées pour la remise en état du site »,
le Conseil d’Etat censure l’arrêt attaqué en estimant que les juges d’appel ont dénaturé les pièces du dossier en jugeant qu’eu égard à la nature de l’activité en cause les mentions de l’étude d’impact ne répondaient pas aux exigences de l’article R. 512-8 du code de l’environnement.
En conséquence, le Conseil d’Etat annule l’arrêt de la Cour administrative d’appel de Paris (CAA Paris 7 février 2013, SIETOM, n°12PA00495) à laquelle il renvoie l’affaire.